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Exposition "Sutures d'un monde disloqué" de Lu Hang

                  


Affiche
Affiche



Il existe des œuvres qui ne décrivent pas l’effondrement : elles en épousent la forme intérieure. Chez Hang LU, ce n’est pas l’Histoire qu’on raconte, c’est sa combustion lente. La matière picturale devient la chambre d’écho d’un monde en dislocation où subsistent, comme en creux, des gestes de survie.


Cette exposition s’ouvre comme une blessure : béante, silencieuse, irréversible. Les figures qu’elle convoque ne sont ni allégoriques ni documentaires. Elles surgissent d’un vide, en pleine perte de sens, comme si l’humanité, prise dans un dernier spasme, dansait sa propre extinction. Inspiré par la « danse épidémique » survenue à Strasbourg en 1518, Hang LU ne cite pas : il transpose. Il transforme cet épisode délirant en geste pictural, où la transe devient un langage formel.


Ces corps convulsifs évoquent les fulgurances de Matthias Grünewald (v. 1470–1528) dans le Retable d’Issenheim, où la douleur se fait structure. La contagion ici n’est pas médicale, mais psychique – un vertige partagé, une pulsion d’effondrement chorégraphiée, contaminant jusqu’à la matière même du tableau.


À ces figures s’ajoutent l’échos bestial à la Jean Fautrier (1898–1964), des visages lacérés comme des âmes peintes par Francis Bacon (1909–1992), et des formes hybrides, entre l’humain et le monstrueux, dans la veine des chimères médiévales ou de Max Ernst (1891–1976). Ces présences hantent la toile comme des intersignes de la catastrophe, non pas spectaculaires mais larvés.


Un motif récurrent s’impose : la suture. Visible ou invisible, elle relie les fragments, mais sans les guérir. C’est une couture d’après la déchirure, une tentative de cohérence dans un monde disloqué. Elle fait écho à la notion d’image blessée chez Georges Didi-Huberman (La ressemblance par contact, 2008), où l’image devient trace traumatique plutôt que représentation.


La macabre danse des personnages répond à un silence plus profond, celui de la matière. Un mutisme pictural qui rejoint les réflexions de Susan Sontag sur la souffrance muette de l’image dans Regarding the Pain of Others (2003). LU ne montre pas : il infecte. L’image est contaminée, saturée de silence et de rouge – un rouge qui n’orne pas, mais qui suinte, suppure, consume.


Dans cette figuration contaminée apparaissent aussi des échos de Fernand Léger (1881–1955) : non dans la géométrie joyeuse, mais dans la mécanisation des volumes, devenu automate existentiel. Ces figures, déshumanisées mais encore habitées par un souffle, rappellent les tensions entre machine et chair dans l’entre-deux-guerres, cette époque déjà hantée par l’effondrement à venir.


Au loin rôdent les Quatre Cavaliers – non pas représentés, mais insinués dans le tissu même du tableau. Guerre, peste, famine, mort : autant d’états d’âme que de phénomènes historiques. Par leur évocation subtile, LU s’inscrit dans la filiation de Francisco de Goya (1746–1828), et de ses Caprichos, où la raison capitule face aux monstres du songe.


Les chiens de LU errent comme des anges sans ciel. Les humains y dansent comme des corps sans organe – selon la formule de Deleuze et Guattari (Mille Plateaux, 1980), qui désigne un corps libéré de ses fonctions biologiques, réduit à un vecteur de flux, de douleur ou de désir.

Cette exposition est moins une proposition plastique qu’un champ de tensions silencieuses, où se croisent la mémoire des saints sans église, la beauté des figures sans salut, et la persistance d’un souffle sans voix. Une traversée de la matière comme on traverse une crise, avec cette conviction muette que la peinture peut encore, malgré tout, faire symptôme.



N°27, dyptique
N°27, dyptique

Quelques expositions


2025

  • «  Sutures d’un monde disloqué » du 7 juin au 12 juillet au sein de Vanities Gallery, paris, France, 

 

2024

  • «  Jingart » du 23 au 26 mai 2024 à Beijing, Chine, 

 

2023

  • « Exposition finale de l’atelier d’art dirigé par Lu Hang » du 6 novembre au 2 décembre au sein de l’Académie des beaux-Art du Sichuan, Chine,

  • « AFIH2023 Autumn » du 15 au 17 décembre 2023 au Four Seasons Hotel, Beijing, Chine,

 

2022

  • Solo show « Rouge » du 6 septembre au 16 septembre au sein de la galerie Athéna, Paris XIIIème, France,

 

2021

  • « Estivales de Sceaux » du 1er juillet au 28 août au sein de l’Hôtel de Ville de Sceaux, France,

  • « 10 finalistes du prix création jeunesse » du 23 janvier au 21 février à Rouergue, France,

 

2020

  • Solo show « Paysage artificiel » du 6 octobre au 6 décembre au sein de la galerie Horizon, Paris, France

  • « Demain » du 3 au 5 juillet 2021 au sein de l’Espace Christiane Peugeot, Paris, France, 

 

2019

  • Solo show « Mythe, Histoire et Prophétie » du 3 décembre au 14 décembre au sein de la galerie du Crous, Paris VIème, France

  • Solo show « Des maîtres et les enfants » du 27 septembre au 15 octobre au sein de Sol Gallery 11, rue Guénégaud, Paris VIème,

  • Solo Show « Humain, Bête, Fantôme » au sein de la galerie Jean-Bapiste Claudot àPavillons sous-Bois, France,

 

2018

  • « Comédie Humaine » du 13 au 28 janvier 2018 au sein de la galerie Jean-Bapstite Claudot à Pavillons sous-Bois, France,

 

2017

  • Solo Show du 16 au 24 septembre  au Blue Roof Museum à Chengdu, Sichuan, Chine,

  • « Programme Jeunes Artistes Elite 2017 », du 18 mars au 4 mai à Xicheng, Beijing, Chine

 

 

2016

  • « Trouble » du 26 août au 4 septembre dans la ville de Xinxing, Chengdu, Chine, 

  • « L’hymne de la ruine » du 1er au 15 avril au centre Commercial Avaricum Bourges, France,

  • « Troposphère »  du 26 janvier au 26 février à Saint Denis, France,

 

2015

  • « Prix Dauphine » du 24 mars au 1er avril au sein de l’Université Paris Dauphine, Paris, France

 

 


Torse Rouge 2022
Torse Rouge 2022



Prix et récompenses


2021

  • Prix de la jeunesse lors de l’exposition « Demain » organisée au sein de l’Espace Christiane Peugeot en collaboration avec l’ICART pour la 13ème édition,




Démarche artistique


LU Hang : une esthétique du déséquilibre, entre gestualité, symbolisme et pensée critique


La démarche artistique de LU Hang se distingue par une articulation profonde entre la forme picturale, la gestuelle du corps humain et une pensée critique sur l’histoire, la société et l’existence. À travers un vocabulaire plastique épuré et chargé de résonances symboliques, LU développe une œuvre exigeante, fondée sur une constante tension entre l’image, le signe et le sens. Sa pratique, à la fois intuitive et conceptuelle, se déploie comme un champ de réflexion plastique sur la condition humaine, dans sa dimension corporelle, existentielle et collective.


Au cœur de sa peinture, le corps devient signe. Gestes ramassés, membres tendus, postures prostrées ou suspendues composent un langage visuel que l’artiste conçoit non comme une simple représentation du mouvement, mais comme une écriture picturale à part entière. Dans ses séries « Gymnastics » ou « Dance », la corporéité se libère de la narration traditionnelle pour devenir un vecteur de tensions psychiques, d’élans contrariés, de déséquilibres métaphysiques. Le geste, ainsi, oscille entre effort et abandon, révolte et soumission, déploiement et repli. Il devient un vecteur plastique de l’incertitude humaine.


Cette dynamique trouve un écho dans l’agencement de l’espace pictural. Loin de la profondeur illusionniste, LU Hang choisit des arrière-plans dépouillés, des scènes austères ou symboliquement fermées, renforçant une sensation d’enfermement et d’aliénation. L’espace est à la fois scène et piège : scène théâtrale où se rejouent les conflits du corps et de l’esprit ; piège visuel où se cristallisent le vide existentiel et la quête de sens. Dans la série des Bols, cette tension atteint une intensité dramatique : figures nues, anonymes, rampantes ou figées, convergent ou fuient un bol vide, placé au centre comme un totem absurde.


Le bol, élément récurrent, incarne un symbole à double tranchant : en tant que récipient, il représente l’attente, le manque, la faim — physique autant que spirituelle. Mais vide, il devient un miroir de l’impossible plénitude, une métaphore du désir sans objet, une allégorie du vide existentiel. LU Hang ne représente pas la misère sociale, il transpose, dans une syntaxe picturale minimaliste, la condition métaphysique de l’homme moderne : isolé, fragmenté, en lutte avec une matière qui ne répond plus.


Les influences revendiquées par l’artiste traduisent une pensée ancrée dans la tradition picturale occidentale tout en la déjouant. Les réminiscences de Goya s’y retrouvent dans le grotesque, le fantastique et la critique sociale ; celles de Bacon dans la distorsion des corps et l’intensité psychologique ; celles de Matisse dans la construction du rythme corporel — mais inversé, où la joie chromatique devient tension froide. LU Hang ne cite pas : il reformule, transpose et décale les héritages pour leur donner une portée universelle et contemporaine.


La série des Quatre Cavaliers, encore en développement, étend cette dimension symbolique vers une relecture des archétypes apocalyptiques. Ces figures bibliques, loin d’être des allégories lointaines, sont réinvesties comme des forces intimes, des entités latentes qui habitent les corps et les collectifs. LU Hang relie ainsi la mythologie, l’histoire de l’art et les pathologies sociales actuelles, traçant une généalogie picturale de la violence, de la peur et de la perte de soi.


L’intérêt de l’artiste pour les formes collectives de perte de contrôle, comme les « pestes dansantes » étudiées dans l’histoire culturelle, vient nourrir cette critique du présent. En rendant visible la contagion des gestes, la dissolution du sujet dans la masse, LU Hang pointe l’ambiguïté du lien social contemporain : tantôt refuge, tantôt tyrannie. Il interroge la part de folie rituelle contenue dans les normes, les identités, les appartenances.


Ce regard critique sur la société s’incarne également dans le travail sur les objets. Dans la série Bread, un simple pain devient l’emblème du conflit entre nécessité matérielle et exigence spirituelle. Isolé dans la composition, traité avec une minutie quasi-tactile, le pain n’est plus un aliment mais une épreuve : celle du choix, de la liberté, de la survie. LU Hang évoque ici la pensée de Heidegger, pour qui l’objet, loin d’être neutre, révèle notre manière d’habiter le monde. Le pain devient une trace de l’humain, marquée par le travail, la souffrance, le temps.


Derrière cette réduction formelle, LU Hang mène une exploration philosophique, qui dépasse la seule peinture. Il interroge : comment représenter la vulnérabilité sans tomber dans la posture victimaire ? Comment inscrire le corps dans l’histoire sans l’enfermer dans une identité ? Comment faire œuvre, enfin, dans un monde saturé d’images ? Sa réponse passe par une rigueur du geste, une densité symbolique et une économie visuelle qui laissent place au silence, à l’énigme, au doute.

Sa peinture est ainsi traversée par une tension entre le figuré et l’infigurable, entre l’ancrage dans le réel et la dérive vers l’abstraction. L’image n’est jamais close : elle vacille, se déforme, s’altère sous nos yeux, dans une dynamique proche de l’aliénation. Le processus même de création, tel que le décrit l’artiste, est envisagé comme un rituel incertain, où le hasard, l’accident et l’inconscient prennent part à l’élaboration du sens.


La question du sacrifice, récurrente dans ses séries récentes, n’est pas tant une glorification du martyre qu’une réflexion sur la condition tragique de l’art et de l’homme. Danser jusqu’à l’effondrement, peindre jusqu’à la disparition de la forme, creuser les objets du quotidien jusqu’à leur implosion symbolique : telle est la voie choisie par LU Hang pour rendre visible l’invisible, pour traduire l’expérience contemporaine dans ce qu’elle a de plus déroutant, de plus muet, mais aussi de plus universel.


En somme, LU Hang conçoit la peinture comme un champ de bataille entre le sensible et l’intelligible, entre le cri et le silence. À travers ses figures exténuées, ses objets désacralisés, ses espaces vides, il construit une œuvre de la limite et du seuil, où le spectateur est invité non à comprendre, mais à ressentir, à confronter ses propres zones d’ombre. C’est dans ce trouble que réside la puissance de son art.




Bol n°16 à 18
Bol n°16 à 18



Quelques articles


2022

  • Mairie de Paris – Exposition « Rouge » de Lu Hang – Lien,

  • Lu Hang & Wang Muxi – La Tour de babel reconstruit les échanges culturels Est-Ouest – lien,

 

2020

  • Lu Hang – Et si l’âme était quantifiable ? – HAS Magazine – Lien,

 

2021

  • C. Eouzan – Hang Lu J’espère réveiller ceux qui sont endormis ou qui font semblant de l’être – Artistik Rezo - Lien,

 

2020

  • D. Sicard – Lu Hang –Chinese new art - Lien,

 

2019

  • RFI - Le parcours de croissance du jeune peintre Lu Hang - Lien

 

 


Gant bleu - 2019
Gant bleu - 2019

"Sutures d'un mode disloqué" par Lu Hang

Vanities Gallery

17, rue Biscornet 75012 Paris


Du 7 juin au 12 juillet 2025

Vernissage le samedi 7 juin à partir de 18h30

Du mardi au samedi de 10h30 à 18h30


 

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